scénarios de l'omnibus CSRD

La CSRD : éclairages d’experts sur les scénarios de l’omnibus et la bonne anticipation de la finalité de la CSRD

5 février 2025

Bien intégrées, les composantes de la CSRD constituent un formidable outil d’aide à la décision stratégique sur la question de la durabilité. En tant que partenaire conseil, notre accompagnement ne doit en aucun cas se résumer à transposer une directive en une méthode pour réunir des informations de reporting auditables. Voici :
- les explications sur la nécessité d'adapter le devoir de conseil au profil de chaque entreprise par Marena Eirich, et
- les éclairages sur ce que l'on pressent des scénarios de l’omnibus et sur ce qui doit rester stratégiquement entre les mains des dirigeants par Marie-Laure Le Chevalier.

Notre devoir de conseil face à la Directive CSRD : adresser les spécificités des entreprises

Notre devoir de conseil s’exerce pleinement lorsqu’il confronte les enjeux de durabilité aux spécificités de chaque entreprise.  

Par exemple, les seuils d’effectifs ou de volume de chiffres d’affaires ne constituent pas un critère de décision discriminatoire selon nous. 

Une petite PME mono-activité du secteur agro-alimentaire peut parfaitement avoir une chaîne de valeur surexposée aux risques qui nécessiteraient de conduire l’exercice de durabilité en profondeur pour préserver son activité. D’autre part, une grosse ETI de services multi-activités pourrait temporiser l’urgence selon son degré d’exposition au risque financier et la maturité de sa prise en compte de impacts matériels dans sa politique RSE.

De la même manière, le momentum économique de l’entreprise est fondamental dans l’approche de la CSRD. A secteur d’activité identique, un dirigeant d’ETI en préparation de la cession de son entreprise n’aura pas la même stratégie de durabilité qu’une scale-up en pleine levée de fond.

Dernier exemple, le dirigeant d’une entreprise familiale, majoritaire au capital n’aura pas le même degré de liberté d’action et de communication concernant l’intégration des risques financiers qu’un CEO mandataire engagé dans un processus de performance annuel de versement des dividendes.  

La bonne compréhension de ces facteurs est essentielle pour associer les dirigeants à l’exercice et en faire un véritable outil de décision stratégique.

Car, au final, ce qui dérange le plus les dirigeants dans cette directive n’est pas tant son coût. C’est surtout la désagréable impression d’être dépossédé du choix de leurs investissements stratégiques par l’imposition d’une norme.

Le meilleur remède pour faire face à cet irritant, quels que soient les aménagements votés pour la directive, est de l’adapter pour mieux l’adopter et en faire un avantage stratégique volontaire et sur mesure capable de projeter l’entreprise dans son avenir, plutôt que de la contraindre à rendre compte de son passé. 

Eclairages sur ce que l’on pressent de l’ajustement possible et pertinent de la loi

La contre-proposition dite ‘’Omnibus’’ en cours de discussion à Bruxelles va avoir des incidences sur la mise en œuvre de la CSRD et d’autres textes du Pacte Vert :

– Le niveau de granularité du reporting sera probablement simplifié. Le nombre de points de données à reporter très certainement plus limité. La nécessité de structurer un reporting réglementé pourrait même ne plus être nécessaire pour les entreprises qui entreront dans la nouvelle catégorie de taille d’entreprise que l’Union Européenne envisage de créer.

– Les délais de publication du reporting et d’audit par les Organismes Tiers Indépendants du reporting pourraient être allongés (entre 1 à 2 ans selon taille des structures). Les critères d’audit pourraient également être simplifiés.

– D’autres réflexions sont en cours sur la limitation du nombre d’entreprises soumises à la taxonomie (assiette) et leur calendrier d’éligibilité, voire sur le retrait du plan de transition de la CS3D. 

Ce qui restera a priori inchangé d’un point de vue stratégique (pour les dirigeants) et du point de vue des analystes ESG et régulateurs

– La nécessité de structurer une stratégie RSE prenant en compte les fragilités stratégiques et les leviers de création de valeur et intégrant :

  • l’identification objective des enjeux matériels critiques (notamment risques et opportunités ESG en lien avec le business)
  • la prise en compte de la chaîne de valeur dans la priorisation des actions 
  • le dialogue parties prenantes pour comprendre les injonctions contradictoires auxquelles chacun fait face et pour trouver des solutions innovantes

– La décision à prendre du niveau de couverture des enjeux pertinents dans le reporting de l’entreprise. Elle doit à la fois traiter des sujets stratégiques et être en phase avec les attentes des parties prenantes en termes d’impact. 

– La présentation d’un plan d’actions opérationnel pragmatique, adapté à la maturité de l’entreprise, à déployer sur 6 à 36 mois.

– La production d’indicateurs ESG pertinents et robustes (de manière volontaire ou réglementée). D’abord pour piloter les actions de terrain. Ensuite pour pouvoir rendre compte de ses impacts et convaincre les investisseurs et partenaires financiers.  

Si nous reprenons une saine hauteur : le reporting n’est pas la finalité, mais doit être un éclairage des priorités et du plan d’actions concret mis en place par l’entreprise pour limiter ses impacts négatifs à un socle résiduel, densifier ses impacts positifs et appréhender les risques et opportunités qui ont des incidences sur les flux financiers de l’entreprise.
C’est cette lecture croisée qui permet aux dirigeants de faire le lien entre business et durabilité et de montrer comment, à plus long terme, le sujet de la durabilité a infusé dans l’organisation, dans la stratégie d’affaires et dans le modèle économique lui-même. C’est ce prisme qui éclairera les dirigeants sur la performance globale et la résilience de chaque entreprise engagée. Il facilitera également le dialogue avec les parties prenantes (notamment les clients, fournisseurs…) pour identifier les nouveaux sujets d’un dialogue constructif et innovant et pour poser le juste niveau d’ambition.